
Électrique, plus ou moins libre, la Trap a fait son apparition dans le Hip-Hop à partir des années 2000. Si certains considèrent les trappeurs comme des rappeurs, beaucoup s’opposent à cette idée. En Haïti, les principaux ténors du rap s’en prennent à cette nouveauté. Que ce soit pour Ed Darliriks, Doc Filah, Zyenn Tchak ou Steve Khed, la trap n’est pas la bienvenue.
Il est courant en Haïti de voir des gens qui, pour critiquer les nouvelles valeurs de la société, commencent par se référer à une époque antérieure. Ce qui semble être un fait social, selon la définition d’Emile Durkheim: « Est fait social toute manière de faire, fixée ou non, susceptible d’exercer sur l’individu une contrainte extérieure.»
Pour ceux qui voient dans les tendances musicales des feuilles blanches sur lesquelles les gens vont écrire leurs histoires, la « Trap » peut être envisagée comme une option. Et, comme telle, nous pourrions la canaliser en fonction de nos besoins.
Cependant, nous savons en effet que souvent dans un discours la forme est aussi importante que le contenu. Quelqu’un pourrait aller jusqu’à se demander si le Hip-Hop pourrrait prendre naissance dans un autre milieu que dans le Sud des États-Unis.
Les travaux de Sandy Larose ont contribué à faire entrer le rap dans le conscient haïtien. Professeur à la Faculté des Sciences Humaines( UEH), ce dernier, dans son intervention à la première édition de » Sou Chimen Hip-Hop », a pu montrer comment le rap a joué un rôle important dans la lutte pour l’amélioration des conditions de vie des personnes habitant les ghettos.
Ainsi, le rap s’est créé une place dans la société au point où nous entendons parler de « Rap chrétien ». Une véritable révolution dans la perception de cette tendance dans notre pays.
Ed Daliriks et Ja M Enigmatiq sont deux des voix les plus respectées dans le rap créole. Ils ont été invités à Dimanche Littéraire pour parler de l’engagement et de la poésie dans le rap. Ils se sont posés comme de véritables puristes. Pas dans le sens où ils imposent un canon. Mais, ils ont dit souhaiter qu’il y ait un regard beaucoup plus professionnel. Ceci dit, ils ne comptent pas y accepter du « N’importe quoi. »
Doc Filah est Médecin vétérinaire, professeur à l’Université, » Gwo rapè devan Letènel. » Il est surtout connu pour son savoir-faire qui le rend souvent difficile à saisir. Mais qui peut élever l’insignifiant à l’extraordinaire. Il arrive même à dire: » Trap twò fasil. »
La Trap, l’inconnu menaçant ou la variante qui s’impose?
Les générations ont leurs propres valeurs, leur propre manière de voir le monde. Et, lorsque le nouveau arrive, l’ancien a deux principaux choix: collaborer pour un mélange ou livrer bataille. Dans les deux cas, le dernier aura toujours son mot à dire. Elle ne se contentera pas de prendre des dictées. » Ansyen yo pap dakò yo echwe, jèn yo pap aksepte yo di yo dejwe. » Shélo Plèbmuzik dirait que c’est le dialogue intergénérationnel qui est nécessaire.
On peut avoir du mal à se dire fan du Hip-Hop sans avoir jamais entendu parler de R-Bens. Tant à travers des émissions ou dans les activités où il est choisi comme MC, ce dernier n’a pas caché son souhait de voir une unité entre les rappeurs. Il a souvent dénoncé ce qu’il considère comme une « Hypocrisie » dans le secteur. Ce qui est quand même fort à dire! Mais, quiconque était à « Chimen Hip Hop » peut se demander pourquoi est-ce qu’il n’avait pas remarqué la présence des grands noms du mouvement. Dans une activité où on a rendu hommage au méga rappeur » 35 Zile Ile Dife » qui plus est.
Sans doute, le plus coopérant de tous les hommes dirait qu’il s’agissait d’une coïncidence. Drôle!
On pourrait être d’accord avec R-Bens qui a demandé à Steve Khed qu’est ce qu’il a fait pour empêcher aux trappeurs de perdre les rails. Mais, il faut se rappeler qu’un modèle, ça se crée en quelques fois en inspirant d’autres contenus.
» M pile madanm ou! M se ganster!… », ce sont des expressions auxquelles on est habitué dans les dires des rappeurs. Mais, le rap devient trop social pour le laisser retourner dans les « Kol??g?t manman », semble t-il. Mais, qui pour laisser l’éducation d’une société au bon vouloir des artistes?
Un bon disciple du philosophe Hollandais, Baruch Spinoza dirait aux anciens rappeurs que face à cet inconnu ils ne doivent « Ni rire, ni pleurer, ni haïr, mais comprendre. »